Aux États-Unis, les élections présidentielles sont en partie déterminées par les « swing states », des États dont le vote peut basculer entre les partis d’une élection à l’autre. Alors que le Wisconsin est souvent au cœur des débats politiques, il se distingue surtout par son recours intensif au « gerrymandering » – le découpage électoral visant à favoriser un parti. Dans cet État, l’utilisation de cette technique soulève des questions sur l’équité et la représentation démocratique.
À première vue, le Wisconsin se situe géographiquement entre le lac Supérieur au nord et le lac Michigan à l’est, une position qui traduit aussi sa réalité politique oscillante. Ce « swing state » pourrait à nouveau jouer un rôle décisif dans la prochaine élection présidentielle. Pourtant, au-delà des apparences touristiques de cet État, réputé pour sa production de fromage et ses paysages hivernaux, c’est sa géopolitique intérieure, marquée par le découpage électoral, qui façonne le paysage électoral actuel.
Comprendre le gerrymandering
Le terme « gerrymandering » remonte à une stratégie adoptée par Elbridge Gerry, ancien gouverneur du Massachusetts, qui modifiait les limites des circonscriptions en 1811 pour favoriser son parti. Depuis, la pratique consiste à dessiner les frontières électorales pour maximiser le pouvoir de certains groupes. Au Wisconsin, cette méthode a permis aux républicains de contrôler la législature locale depuis 2010, même lorsque le vote populaire penche pour les démocrates. D’après David C.W. Parker, professeur de science politique à l’Université du Wisconsin-Madison, cette technique crée un déséquilibre significatif dans la représentation au sein de l’État.
Les visuels souvent utilisés pour illustrer cette stratégie montrent comment une majorité peut être créée artificiellement par un redécoupage partisan. Par exemple, même une minorité peut obtenir une majorité de sièges par un découpage judicieux, un phénomène critiqué pour son impact sur la démocratie locale. En 2018, bien que les démocrates aient remporté 53 % des voix, ils n’ont obtenu que 36 sièges sur 99 à l’Assemblée du Wisconsin, illustrant la distorsion de la représentation.
Les impacts du redécoupage électoral
Sous pression, des modifications ont été apportées récemment pour rééquilibrer les circonscriptions au Wisconsin. Selon des experts, cela devrait améliorer la représentation démocratique au sein de la législature de l’État et réduire l’influence excessive des républicains. Désormais, les circonscriptions semblent mieux réparties, avec 45 districts à tendance démocrate, 46 à tendance républicaine, et quelques autres susceptibles de basculer d’un côté ou de l’autre.
Le cas du Wisconsin illustre une particularité des élections américaines : chaque État peut définir ses propres règles électorales. Depuis un arrêt de la Cour suprême en 2013, le gouvernement fédéral ne contrôle plus la manière dont les États organisent leurs élections, ce qui a ouvert la porte à des lois parfois controversées. Certains États restreignent le vote pour les nouveaux résidents, par exemple, ce qui peut influencer la participation de certains groupes, comme les étudiants.
Un processus électoral complexe et inégalitaire
Les Américains votent dans chaque État pour des grands électeurs, dont le rôle est de représenter le choix de l’État. Cela signifie que le poids d’un vote varie selon l’État de résidence. En 2016, cette structure a permis à Donald Trump de remporter l’élection malgré une défaite en nombre de voix face à Hillary Clinton. Si plusieurs citoyens aimeraient supprimer ce système, il reste en place pour préserver la voix des petits États au sein de la fédération, comme le souligne Jean-Eric Branaa, spécialiste des relations internationales.
Pour certains observateurs, comme David C.W. Parker, le danger majeur ne réside pas dans le système de vote mais plutôt dans les attaques répétées contre l’intégrité électorale. L’allégation de fraude électorale, souvent infondée, est une arme rhétorique qui mine la confiance dans les processus démocratiques. La polarisation croissante dans le pays augmente les tensions autour de cette question, d’autant plus que des personnalités influentes n’hésitent pas à parler de « guerre civile ».
Lors de l’élection de 2020, les accusations de fraude électorale de Donald Trump ont secoué le pays, provoquant l’assaut du Capitole. Aujourd’hui, les craintes demeurent, et il est probable que de telles accusations puissent réapparaître en cas de défaite. Ce climat tendu souligne les défis auxquels le système électoral américain est confronté, particulièrement dans les États aux divisions politiques marquées comme le Wisconsin.
Alors que l’élection présidentielle de 2024 approche, le Wisconsin reste un symbole des débats sur la représentativité et l’équité dans la politique américaine. L’issue de cette élection pourrait bien illustrer la persistance des défis liés au découpage électoral, dans une nation où la question de la représentation démocratique n’a jamais été aussi discutée.